Chapitre 6

Art’ique

Sensibiliser par l’Art

Sommaire

Biennale de Venise

Documentaire « Montagnes en transition »

Podcast : rencontre avec des comédiens

Des canettes pour la planète

Slide show : street art et écologie

Biennale de Venise

En 2017, pendant la biennale de Venise, Lorenzo Quinn réalise Support, une sculpture monumentale représentant deux mains blanches sortant du Grand Canal et qui semblent tenir hors de l’eau la façade d’un hôtel. Une œuvre qui illustre de manière frappante le risque de la montée des eaux qui menace d’engloutir la ville. « J’espère que mon œuvre attirera l’attention sur la catastrophe mondiale à laquelle nous sommes confrontés », expliquait alors l’artiste. 

L’art est depuis toujours un moyen privilégié d’expression et de sensibilisation. Il permet parfois de se passer de mots et de dire le réel ou de le mettre en scène de manière plus percutante. Les problématiques environnementales ne font pas exception, bien au contraire. Dans les Alpes, le changement climatique et l’impact de l’homme sur l’environnement sont particulièrement visibles. Une réalité qui n’échappe pas aux artistes locaux ou internationaux. Par la sculpture, le théâtre, le documentaire ou encore le street art, chacun s’approprie cette thématique et tente de questionner, alerter,  émouvoir, ou transmettre l’espoir d’un changement qui s’amorce lentement. Si certains se disent pessimistes et mettent en avant la réalité inquiétante de la situation, d’autres privilégient les solutions qui peuvent nous permettre de limiter les conséquences de décennies d’industrialisation et d’exploitation parfois irraisonnée de ce milieu naturel fragile. 

Lorenzo Quinn, Support, Biennale de Venise 2017. Photo Flickr/Dimitris Kamaras

Rencontre avec Olivier Lefebvre, réalisateur de « Montagnes en transition »

Olivier Lefebvre, photographe-vidéaste, a réalisé le mini-documentaire Montagnes en Transition. Un film réalisé en partenariat avec l’association iséroise Mountain Wilderness, dont le but est de sensibiliser à la dégradation des espaces de montagne. Le réalisateur espère ainsi apporter de nouvelles solutions pour appréhender ces territoires, de manière durable et respectueuse de l’environnement.

Des comédiens engagés pour le climat: rencontre avec Pamina de Coulon et Paul Nichilo   

Paul Nichilo et Pamina de Coulon sont comédiens, respectivement à Grenoble et en Suisse. Si le premier crée des spectacles pour sensibiliser les enfants aux enjeux du tri des déchets, la deuxième fait des performances d’une heure où elle s’exprime sur la crise climatique et son rapport au monde. Tous deux nous en disent plus sur le rapport à l’écologie dans leur travail, au théâtre.

Des canettes pour la planète 

La réalité de notre impact sur l’environnement n’est pas toujours évidente à mesurer. Pour expliquer, alerter et faire bouger les lignes à son échelle, Patrice Raffin, artiste isérois, a décidé de s’engager.  Il découpe et assemble des petits bouts de canettes de soda pour créer des sculptures d’animaux et sensibiliser le public à la protection de l’environnement.

« L’art partout et pour tous »: c’est ce que Patrice a fait inscrire sur le camion décoré de son association « Crea’can » (lien). Pour présenter son travail au plus grand nombre, il balade ses tableaux et ses sculptures à travers la région, expose dans les petites communes, intervient dans les écoles et les Ehpad. Patrice insiste sur sa volonté de rendre l’art plus accessible. « Il faut enmener les expos là où l’art ne vient pas », explique-t-il. Il est aujourd’hui très fier que son association soit reconnue d’intérêt général.

Mais cet amateur d’art populaire déplore la dimension parfois trop marchande de ce secteur : « L’art peut avoir un côté chiant, élitiste et déconnecté. Moi mon luxe, c’est d’être libéré de cette rentabilité, je ne suis pas là pour faire de l’argent ». Il se méfie aussi de l’aspect opportuniste que peut prendre l’art quand il s’empare de la question climatique et environnementale. « Ce sont des questions à la mode, il ne faut pas oublier que certains sont là pour le profit », regrette-t-il. 

Sculpture d’un homme se tenant près d’une poubelle, par Patrice Raffin. Photo : Patrice Raffin

Le déclic

Le quotidien de Patrice bascule il y a 5 ans quand il apprend qu’il est atteint d’une anomalie cardiaque.Sa carrière dans l’industrie s’arrête brusquement. « Je me suis dit et maintenant on fait quoi ? Soit je deviens un parasite soit je fais ce que j’ai toujours voulu faire, de l’art avec mes mains ». Quand il découvre le travail d’un Néozélandais qui sculpte de petites voitures à partir de canettes recyclées, c’est le déclic.

Au prix d’heures de modélisation, de découpe et d’assemblage minutieux, il gagne en aisance et oriente son travail vers la question de l’environnement et la préservation de la faune. « C’est une question à laquelle j’étais sensible mais c’est aussi parce que le côté très graphique et métallisé des canettes se prête bien aux sculptures d’animaux ». Dans son atelier, il donne vie à différentes espèces en voie d’extinction. Des animaux des quatre coins du monde mais aussi des spécimens de la faune locale comme le bouquetin ou la tortue cistude qu’il a réalisés dans le cadre d’un projet avec le conseil départemental. « Je veux que les gens se disent que c’est quand même beau et qu’ils prennent conscience que certaines de ces espèces deviennent rares », explique-t-il.

La force des images

Pour passer son message, ce sculpteur a choisi le poids des images et des représentations.  « La force d’une œuvre, c’est de ne pas avoir à l’expliquer, ça doit parler à tout le monde ». Face à l’urgence environnementale, « notre société est aveugle », estime-t-il. Un désintérêt et un déni qu’il illustre dans l’une de ses sculptures, Paul Hueur ». Elle montre un personnage qui se tient droit, les mains dans les poches, à côté d’une poubelle et ignorant les canettes qui jonchent le sol.

Dans une autre œuvre, il illustre le réchauffement climatique en façonnant la Terre sous la forme d’une grenade : « On vit sur une poudrière, mettez un enfant en face de cette image et en 30 secondes, le message est passé. L’art est un chemin détourné pour le même résultat, parfois ça marche mieux qu’un long reportage. Je veux faire du ludique et de l’utile ».

En plus du message de l’œuvre, la symbolique des canettes prend aussi tout son sens quand il s’agit de parler de l’environnement. Certains de ses travaux nécessitent jusqu’à 800 canettes. Pour réunir cette matière première, un vaste réseau de récupération s’est organisé autour de son association. Des bacs de collecte de canettes ont été installés sur les évènements sportifs ou dans les entreprises sous un panneau indiquant : « un geste pour l’environnement, un geste pour l’art ».

Sculpture d’une tête de bouc en canettes par Patrice Raffin. Photos : Patrice Raffin

Sensibiliser les plus jeunes

Patrice ne se définit ni comme un militant du climat ni comme un artiste engagé. « J’ai pris conscience tardivement de l’importance des questions environnementales. Moi j’avais 20 ans dans les années 80, notre génération a fait n’importe quoi. » Un sentiment de culpabilité qui le pousse à agir. Son travail est aujourd’hui imprégné de cette envie de transmettre cette conscience écologique aux plus jeunes. « J’ai du temps que je veux mettre à contribution pour les enfants, sensibiliser les plus jeunes, aller dans les écoles. Il y a tout un apprentissage à faire sur les bons gestes pour préserver l’environnement et sauvegarder les animaux ». C’est très symboliquement qu’il a dédié et offert certaines de ses œuvres à son petit-fils : « Aujourd’hui je suis grand-père. Forcément, on pense au monde qu’on laisse à nos enfants. Et pour être honnête je suis assez pessimiste, c’est la peur qui me fait agir ».

 

Slide show « Les yeux en l’air » : Parcours street art et écologie

“Au bout de chaque rue une montagne” dit-on souvent pour parler de Grenoble. On pourrait ajouter qu’au détour d’un croisement, il est aussi possible de tomber nez à nez avec de grandes fresques de Street Art. Depuis sa création en 2015 le Street Art Festival de Grenoble a permis à des artistes du monde entier de s’exprimer sur les murs de la ville. Parmi la multiplicité des styles et des représentations, une thématique a attiré notre attention. L’an passé, l’édition “résilience” a donné naissance à des œuvres engagées pour le climat. Certaines, plus anciennes, s’inscrivaient déjà dans cette démarche de sensibilisation du grand public. Nous vous proposons un petit aperçu de sept de ces fresques,  en images et en musique… 

Collapse:  la fresque de l’ours polaire, a été réalisée en 2020 par le collectif italo-suisse NeverCrew. Une sorte de suite à la désormais célèbre fresque des baleines intitulée ordering machine, réalisée à Grenoble quatre ans plus tôt par le même duo. “On met en avant la dichotomie entre besoins et exploitation, entre appartenance et appropriation, pour rappeler la perception déformée que l’humanité a de la nature. […] L’humanité détruit de manière incohérente l’environnement dont elle fait partie et qui lui permet d’exister.”,peut-on lire sur le site du collectif. Par cette fresque, il souhaite dénoncer notre “perception erronée du rapport avec la nature”.

A pale blue dot:  Une fresque réalisée en 2020 par le street artiste chilien Inti Castro, en hommage à Carl Sagan. Ce scientifique, romancier et astronome américain est l’auteur de plusieurs écrits sur la place de l’Homme dans l’univers : “Notre planète est une tâche solitaire dans la grande obscurité cosmique qui nous enveloppe. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, il n’y a aucune certitude qu’une aide viendra d’ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes.” L’œuvre d’Inti, inspirée par ces paroles, est empreinte de mysticisme et de cette idée de fragilité. Elle montre une jeune fille tenant la terre dans une main gantée. Son titre rend hommage à la photo de la terre prise en 1990 par Voyager 1 à 6,4 milliards de kilomètres de distance. 

Mise en garde de Sneck, à été réalisée pendant l’édition Résilience de 2020. Cette fresque met en scène une bourrasque de vent balayant une feuille d’arbre, ornée d’une mappemonde. Ainsi ballotté, notre monde apparaît dans toute sa fragilité. Le bleu choisi rappelle celui de l’océan ou de l’espace. 

La tigresse rouge est une œuvre du Grenoblois Marco Lallement. Fidèle à son style végétal, animalier et coloré, ce street artiste a peint une tigresse aux teintes rouges cerclées de fleurs. Ce Fauve au milieu de la jungle humaine à aussi vu le jour pendant l’édition Résilience l’an passé. Le contraste qu’elle offre au passant nous rappelle aussi l’urgence de lutter contre l’extinction de cette espèce. 

Jasmine Bousquet, Louna d’Hallivillée, Margot Gésiot et Léa Bouvet


L’équipe de Dégel vous remercie chaleureusement d’avoir suivi ce projet.