Chapitre 2
C’est quand qu’on va où ?
Engagements écologistes et vie politique
Sommaire
Luttes environnementales et vie politique à Grenoble
Mobilités et climat : le vélo oui, mais comment ?
Luttes environnementales et vie politique à Grenoble
Quel est le lien entre luttes environnementales et vie politique à Grenoble? La mairie de la capitale des Alpes portée par une majorité EELV se veut proche des questions environnementales, mais en fait-elle assez ? Les actions menées sont-elles suffisantes ? Nous avons rencontré trois acteurs grenoblois pour tenter de répondre à ces questions.
Mobilités et climat : le vélo oui, mais comment ?
Face au dérèglement climatique, les mobilités urbaines sont un domaine où il est possible d’agir concrètement. Après plus de six ans de mandature écologiste à Grenoble, regarder le vélo de plus près permet de voir la complexité des engagements écologistes et de la vie politique.
Selon le Rapport sur l’état de l’environnement, en France, le transport des biens et des personnes est l’activité qui contribue le plus aux émissions de Gaz à effet de serre (GES) [insérer lien lexique] responsables du dérèglement climatique [insérer lien lexique]. Pour 2019, elle représente 31 % des émissions françaises de GES. A l’heure d’une indéniable catastrophe environnementale [lien avec le prologue] la mobilité est un défi majeur pour les autorités publiques. Et pour y parvenir, elles ont plusieurs leviers d’action à disposition, notamment en favorisant les transports en commun ou les mobilités douces au détriment de la voiture, qui reste dominante.
Le vélo comme projet politique…
A Grenoble, le service Métrovélo, mis en place par Grenoble-Alpes Métropole en 2004, permet la location de milliers de vélos dans l’agglomération et de nombreuses associations proposent des ateliers participatifs de réparation. Mais le vélo est surtout devenu un des emblèmes de la ville depuis l’élection de l’écologiste Eric Piolle en 2014 et de l’accès de la liste rose-verte Une métropole d’avance (UMA) au sein de la majorité métropolitaine.
Avec plus de 300 kilomètres de pistes cyclables, la mise en place du réseau Chronovélo et la généralisation des zones limitées à 30 km/h, les projets concrets ne manquent pas. Autre réussite pour la liste écologiste, « environ 18 % des personnes actives vont au travail en vélo, explique Gilles Namur, deuxième adjoint à la mairie de Grenoble, c’est un axe structurant de notre programme, et ce n’est pas terminé ». Selon le quotidien Reporterre, ces projets incarnent les effets les plus tangibles d’un mandat écologiste qui a mené Grenoble a être récompensée par la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).
.. qui laisse certains sur le bas côté ?
Mais le bilan n’est pas satisfaisant pour tout le monde. Pour Emilie Chalas, élue municipale LREM, et le collectif Grenoble à coeur, ces choix se sont faits au détriment de la vie marchande du centre-ville et sans vision plus large de la circulation urbaine. Elle pointe du doigt l’augmentation des embouteillages à la suite de la fermeture d’axes centraux pour l’autoroute à vélo et la pollution de l’air qui en découlerait.
Les critiques ne sont d’ailleurs pas seulement écologiques mais aussi sociales. Selon un récent rapport de la fondation Jean Jaurès, ces engagements écologistes se font en partie au détriment de la lutte contre les inégalités sociales. En effet, même si les chercheurs insistent sur « une avancée significative du développement du vélo », ils rappellent que c’est une pratique qui profite avant tout aux populations privilégiées du centre-ville. Ils indiquent que « le taux de déplacement domicile-travail à vélo est monté à près de 30% dans les quartiers les plus favorisés, mais reste autour de 3% dans les quartiers populaires. » Ce que confirme Matthieu Adam, géographe et chargé de recherche au CNRS, pour qui les aménagements (pistes cyclables, bornes de location,…) sont généralement plus importants et plus denses au cœur des pôles urbains, là où vivent les populations de classes supérieures
Quand on veut, on ne peut pas toujours ?
Reste que la Ville n’a pas les pleins pouvoirs. L’ensemble des projets concernant la mobilité et les transports en commun doit passer par le Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG). Selon Gilles Namur, qui est aussi conseiller métropolitain pour la liste UMA : « Au SMMAG, la Ville de Grenoble réclame et a la volonté de changer les choses. Mais le président actuel n’est plus un membre de notre liste, et dorénavant ça bloque. On ne peut pas tout faire tout seul, et c’est dépendant des rapports de force à l’intérieur de ces institutions. »
Au final, même si favoriser le vélo pour réduire notre impact sur l’environnement semble être une idée assez largement partagée, cela ne suffirait pas à une politique écologiste efficace. D’autant plus si, comme l’explique Guy Tuscher, ex-colistier d’Éric Piolle, au journal Le Postillon, les projets manquent d’ambition. Pour Timothée Jaussoin, élu d’opposition à la municipalité de Gières et membre d’Extinction Rebellion Grenoble, « le vélo est notre seule solution pour l’avenir ». Mais selon lui, il faut aller « au-delà d’une “écologie de pistes cyclables“ qui ne change rien à la crise climatique en cours. » S’il y a des critiques à faire, il n’y a cependant pas de fatalités. Et cela semble dépendre de la capacité des élus à investir de manière volontariste les institutions avec des projets ambitieux qui se nourrissent des luttes écologistes, des expertises scientifiques et des réalités de celles et ceux qui habitent le territoire.
Ophélie Lamard, Joe Saccal, Jonas Schnyder, Pierre-Antoine Valade et David Weichert