Chapitre 1
Jeunes Snow
La jeunesse s’engage pour le climat
Dérèglement climatique: la parole aux enfants
Les enfants ont eux aussi leur mot à dire sur la question climatique. Nous sommes allés à la rencontre de deux classes de CM2 en Isère. L’une d’elles, l’école Nicolas Chorriet, est située en plein centre-ville de Grenoble, tandis que l’école élémentaire Les Lèches se trouve dans le massif du Vercors, à Villard-de-Lans. Deux manières de vivre et percevoir les Alpes. Dans ce podcast, entre inquiétudes face à l’état de la planète, moyens d’action pour la sauver et espoirs pour le monde de demain, les enfants portent un regard lucide sur les changements auxquels ils assistent. Leurs idées font écho aux initiatives mises en œuvre par les associations, militants ou influenceurs que nous avons ensuite rencontrés.
C’est quoi un éco-influenceur ?
Ils sont instagrameurs, youtubeurs, tiktokeurs, militants ou encore journalistes engagés et ont pour point commun de parler d’écologie sur les réseaux sociaux. Ils sont ce qu’on appelle des éco-influenceurs. Dans cette vidéo nous tenterons de comprendre ce que ce nouveau mot un peu fourre-tout implique.
Biodiversité en danger, jeunesse engagée
Elles ont moins de 30 ans et ont décidé de s’engager quotidiennement sur les questions climatiques, à travers des associations locales liées à la biodiversité. Portrait croisé d’une jeunesse qui veut faire bouger les choses.
« J’ai décidé de m’engager pour le climat à 24 ans parce que l’horloge tourne pour la planète », lance Alexandra, le regard franc. Le climat oui, mais plus largement la protection de l’environnement. Ce n’est pas un combat récent pour la jeune femme diplômée d’un master 2 en environnement durable : « J’ai toujours appris à faire attention à l’environnement mais aussi à mon empreinte écologique, raconte-t-elle. On n’observe pas assez la nature près de chez nous ». Mais elle ne se contentera pas de ce constat et va rejoindre l’association France Nature Environnement Isère (FNE), un organisme qui lutte, éduque et agit pour préserver l’environnement : « Cette structure me plaisait déjà, se souvient-elle. Elle est très axée sur la sensibilisation et le développement durable. C’était l’occasion de m’impliquer concrètement dans les politiques publiques avec un point de vue militant. » Cheveux en bataille, look d’aventurière, la jeune femme revient à peine d’une excursion en pleine nature. Malgré la fatigue après de longues heures à observer les oiseaux, elle garde sa joie de vivre.
LE LOCAL D’ABORD
Astrid, 25 ans, s’est également intéressée à la question environnementale plus tardivement. Après avoir fait une licence de biologie à Rennes, elle s’investit régulièrement dans des associations naturalistes étudiantes. Leur but consiste à s’engager dans la protection de la nature et de mieux la comprendre : « C’est de là que m’est venue l’idée de travailler dans la gestion des espaces naturels et la préservation de la nature », se souvient-elle. Elle poursuit son cursus en master dans la gestion et la conservation de la biodiversité à Brest. Une fois la théorie apprise, Astrid veut gagner de l’expérience par le terrain. Elle n’hésite pas alors à quitter sa terre natale pour un service civique dans l’association le Pic Vert à Grenoble, qui œuvre principalement dans la protection de la faune, de la flore et des milieux naturels : « Je ne me retrouve pas dans les grands mouvements qui agissent à l’échelle internationale, assure la jeune femme. Ils cherchent des personnes formées et ne sont pas accessibles à tout le monde. L’association Pic Vert, elle, séduit les jeunes, y compris les néophytes, et les sensibilise à la nature. C’est plus facile pour eux de s’investir autour de chez eux », relate-elle avec assurance. Le point commun entre ces deux jeunes femmes est la volonté d’agir à l’échelle locale.
« JE NE ME RETROUVE PAS DANS LES GRANDS MOUVEMENTS QUI AGISSENT À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE. ILS CHERCHENT DES PERSONNES FORMÉES ET NE SONT PAS ACCESSIBLES À TOUT LE MONDE »
– ASTRID
Tout comme Gwladys. Elle a 21 ans et s’intéresse à l’impact du climat sur l’habitat de la faune et la flore. Malgré sa timidité apparente, l’étudiante se lance dans le bénévolat en septembre à la FNE. Elle se retrouve dans les valeurs défendues par cet organisme : « Je cherchais quelque chose de plus local et auquel je pouvais m’identifier, confie-t-elle. J’aimais beaucoup les actions réalisées pour protéger la biodiversité. »
La région Auvergne-Rhône-Alpes est particulièrement touchée par le dérèglement climatique. Les saisons sont bouleversées et les reproductions animales s’en trouvent impactées. La neige fond plus rapidement, ce qui rend visibles des espèces comme le lagopède alpin qui se cachent de leurs prédateurs. Cet oiseau blanc devient plus vulnérable. Le réchauffement climatique assèche les zones humides et influe sur les espèces migratrices. Les hirondelles de rivage ne peuvent plus se nicher dans ces zones où elles avaient l’habitude d’aller. Pour contrer ce problème, le Pic Vert tente de trouver des alternatives : « L’association créé des mares pour les amphibiens, poursuit Astrid. On aménage le milieu dans des zones où il y a avait de l’eau avant. Les amphibiens et les oiseaux reviennent. Et la vie reprend son cours. »
DÉJÀ TROP TARD ?
Un combat qui n’est pas vain pour Alexandra. D’un ton assuré, la jeune femme ne manque pas de courage pour clamer ses convictions sans pour autant les imposer à son entourage. Elle aimerait une prise de conscience plus importante des politiques sur l’urgence climatique. Et que chacun agisse à son échelle pour protéger la biodiversité : « Tout le monde n’a pas conscience qu’on est en train de foutre en l’air la planète, s’insurge-t-elle avec véhémence. Il faut mettre en place des activités pour permettre aux gens de s’impliquer et rendre l’environnement plus abordable. Et on n’arrivera peut-être à sauver la nature et ralentir cette chute. »
Astrid quant à elle, a une vision assez pragmatique de la situation actuelle. Malgré son fort attachement pour la nature, elle est persuadée qu’il est trop tard pour changer les mentalités des plus anciens : « Bientôt, les personnes âgées ne seront plus là, et ça sera la merde pour nous », s’indigne-t-elle. Son angoisse, c’est de se sentir seule dans cette guerre contre le réchauffement climatique : « Il faut que tout le monde s’y mette. Autrement notre travail sera réduit à néant. J’espère que la prochaine génération connaîtra les saisons que nous avons connues », lance-t-elle les yeux plein d’espoir. Pour passer de la parole à l’action, elle déploie toute son énergie au sein de l’association et s’affaire à proposer de nouvelles activités pour inciter d’autres jeunes à s’engager pour le climat : « Une de mes collègues a créé un escape game autour de la pollution de l’eau, se souvient Alexandra. Le but est de sensibiliser les jeunes sur les risques et les solutions pour protéger les rivières. »Une première victoire pour la jeune militante qui ne cache pas son émotion.
« CERTAINS ONT BESOIN DE SE RETROUVER DANS DES MODES D’ACTION PLUS RADICAUX, CAR ILS SONT DÉJÀ CONVAINCUS, QUAND D’AUTRES N’ONT PAS BAIGNÉ DEDANS. »
– ALEXANDRA
D’autres mouvements comme Extinction Rébellion, ou Youth for climate luttent pour faire réagir sur l’urgence climatique. Un mode d’action différent des associations traditionnelles qui misent sur la sensibilisation. Une erreur, pour Astrid, qui considère qu’il faudrait rassembler toutes les structures en une seule. Les yeux vifs et la voix tranchante, elle se lâche un moment pour dénoncer cette volonté des associations à évoluer en rang dispersé : « Tout le monde crée son association de son côté, c’est dommage, se désole-t-elle. Ça serait bien de s’associer, nous serions plus puissants pour nous faire entendre. »
Une utopie pour Alexandra, qui considère qu’il faut plusieurs types de mouvements pour s’adapter à l’engagement de chacun: « Il en faut pour tous les goûts, estime-t-elle. Certains ont besoin de se retrouver dans des modes d’action plus radicaux, car ils sont déjà convaincus, quand d’autres n’ont pas baigné dedans. Ils ont besoin de temps pour connaître les enjeux climatiques. Si on veut que les mentalités changent, il faut y aller progressivement.»
Rencontre avec un militant de Fridays for Future :
Marcel, militant à plusieurs versants
À 17 ans, Marcel, jeune lycéen, milite pour l’écologie auprès de Fridays for Future. Mais son engagement va au-delà de la cause environnementale. Pour lui, le combat contre le dérèglement climatique rejoint toutes les luttes sociales.
Samedi 15 mai 2021. Sous le préau de la maison de la culture, à Grenoble, Marcel attend avec sa bande de camarades. Quoi ? Aucun membre de son mouvement, Fridays for Future (FFF), ne semble vraiment savoir. « On vient ici parce que c’est un lieu de lutte », se justifient-ils. Le bâtiment est occupé depuis des mois. Marcel et ses amis baroudent dans les espaces militants comme celui-ci, « par affinités et soutien ». Aussi, parce qu’ils n’ont pas de structure à eux, dans la ville de Grenoble.
ACTIVISTE… TROP TÔT, TROP JEUNE ?
Un jean troué et un K-way. De grandes gigues, une tête angevine et de longs cheveux blonds coiffés en chignon. Marcel est avenant. Ce jeune lycéen de 17 ans se dit « radical ». En mars 2019, il rejoint le mouvement FFF de Grenoble, tout juste constitué. Encore adolescent et insouciant, Marcel se politise petit à petit. Sur l’écologie, la politique et son environnement social en général. « Je suis jeune, et je n’étais pas déconstruit avant. Mais rapidement, je me suis rendu compte que la lutte contre le réchauffement climatique allait plus loin. D’où le mot “futur” dans le nom de notre mouvement », raconte-t-il, encore désolé de son insouciance passée. Ou plutôt, de cette prise de conscience brutale.
Quelques mois plus tard, la coupe est pleine pour Marcel. « J’ai fait un burn out. Quand on est jeune et que l’on devient militant, on est frappé par tous les dysfonctionnements de notre société et la santé mentale en pâtit. » Malgré son jeune âge, l’activiste a su prendre du recul sur son engagement. Il réfléchit et se questionne souvent. S’engager aussi jeune n’est pas chose facile. Marcel a fait ce choix mais tente de se ménager par moments, pour ne pas s’essouffler.
L’ÉCOLOGIE, UNE LUTTE DE TOUTES LES LUTTES
Aujourd’hui, Marcel participe ponctuellement aux actions de FFF dans lesquelles il se reconnaît, puisqu’il partage les mêmes valeurs. Le mouvement – au niveau national – prône la décroissance, adopte une charte anti-capitaliste, se positionne contre le développement durable et traque le greenwashing. « On refuse le capitalisme vert. Alors, quand le mouvement a fait le choix de se définir comme un groupe radical, il a perdu quelques adhérents. Et on peut le comprendre », avoue le lycéen. Pourtant, ce positionnement est aujourd’hui le credo de FFF. « Par exemple, l’action coup de poing de Youth for Climate et FFF à Black Rock, lorsqu’on a dévasté leur locaux pour dénoncer leur responsabilité dans le dérèglement climatique, a marqué les esprits », se remémore Marcel.
« Mais vous-savez ce qu’on a fait à Grenoble ? On a été dans des grandes enseignes de fast-fashion pour coller des étiquettes sur les fringues et dénoncer leur provenance : “made in Ouïghours” », lance le jeune homme. Ses yeux se plissent, un sourire de fierté se devine derrière son masque. Racisme, sexisme, écologie et tant d’autres combats. Le mouvement est vaste et les espérances du lycéen militant le sont tout autant. Quand il quitte la maison de la culture à Grenoble, c’est pour se rendre dans un autre lieu de lutte : le blocus de son lycée où il milite activement pour un baccalauréat plus équitable en période de crise sanitaire.
La jeunesse engagée pour le climat,
c’est quoi Friday for Future ?
En France, Fridays for Future (FFF) est lié à Youth for Climate France, un mouvement de jeunes qui se mobilisent pour « la justice climatique et sociale, la protection de l’environnement et la biodiversité ». Youth for Climate se définit donc comme le groupe français de FFF, un réseau international né à la suite des appels à la grève scolaire pour le climat de Greta Thunberg. Au niveau national, le mouvement est présent sur tout le territoire. À l’automne 2019, 96 activistes venant de 34 villes en France se sont retrouvés à Grenoble pour discuter des valeurs de Youth for Climate et ainsi de FFF au niveau national. Dès lors, le groupe de jeunes engagés s’est défini comme radical autour d’une charte commune anti-capitaliste. Toujours à Grenoble, FFF a été créée en février 2019 et compte, aujourd’hui, une trentaine d’activistes d’une moyenne d’âge de 17 ans. Le mouvement n’est pas forcément structuré, n’a pas de locaux ni de leaders – puisqu’il revendique une structure horizontale – et milite pour toutes les causes sociales.
Marine Lemesle, Pauline Roussel, Camille Ravasio, Juliette Soudarin et Valère Weda